Les canons du concile de Toulouse (1229)

Posté par sourcesmedievales le 6 avril 2008

concile.jpg[Quand les canons ne traitent pas de l'hérésie et la justice, le titre seul est traduit]

« 1. Que dans chaque localité soit désigné un prêtre et trois laïcs qui recherchent [inquirant] diligemment les hérétiques : nous statuons que dans chaque paroisse, tant dans les cités qu’au-dehors, les archevêques et évêques obligent sous serment un prêtre et deux ou trois laïcs de bonne opinion, ou plus si nécessaire, à rechercher les hérétiques fidèlement, diligemment, et fréquemment, en fouillant maisons et chambres souterraines connues pour être suspectes, perquisitionnant les appentis, les constructions ajoutées sous les toits, et tout autre cachette, que nous ordonnons de tous détruire. Et s’ils découvrent des hérétiques, ou des croyants, des fauteurs qui les reçoivent ou les défendent, après avoir pris leurs précautions pour qu’ils ne puissent s’enfuir, qu’ils s’emploient à les dénoncer en toute hâte à l’archevêque ou l’évêque, aux seigneurs des lieux ou à leurs bailes, de sorte qu’ils soient punis du châtiment requis.
2. Que les abbés exempts fassent de même : que les abbés exempts fassent de même dans les localités qui sont leurs et ne sont pas soumises à la juridiction diocésaine.
3. Que les seigneurs des localités recherchent les hérétiques : qu’il soit demandé aux seigneurs des terres alentour de rechercher les hérétiques dans les villages, les maisons et les bois [inquisitionem in villis, domibus et nemoribus faciendam], et de détruire les appentis, les annexes et les cachettes souterraines.
4. De la peine contre qui aura permis à un hérétique de demeurer dans sa terre : nous ordonnons que quiconque aura permis sciemment à un hérétique de demeurer dans sa terre, soit pour de l’argent soit pour tout autre raison, selon ce qu’il aura avoué ou selon qu’on l’aura prouvé, verra sa terre confisquée à perpétuité et son corps remis à la main du seigneur pour en faire ce qu’il devra.
5. De celui qui ne savait pas qu’il y avait des hérétiques dans sa terre : que soit puni des peines légales celui dans la terre duquel on trouve fréquemment des hérétiques, ou qui est réputée telle, s’il n’est pas convaincu de l’avoir su, et si sa coupable négligence est prouvée.
6. Que la maison où l’on trouve un hérétique soit détruite et le fonds confisqué : nous ordonnons de détruire la maison où l’on aura trouvé un hérétique et de confisquer le bien-fonds.
7. Du baile qui n’a pas de zèle contre les hérétiques : que soient confisqués les biens du baile qui réside toujours dans sa terre, qui est soucieux et zélé sauf en ce qui concerne les hérétiques et en outre qu’il ne puisse redevenir baile ni là ni ailleurs.
8. Que personne ne soit puni comme croyant ou comme hérétique s’il n’a été jugé tel par le pouvoir ecclésiastique : afin que des innocents ne soient pas punis au lieu de coupables, ou que la dépravation hérétique ne soit pas imputée à certains par les calomnies des autres, nous ordonnons que personne ne soit puni comme hérétique ou croyant à moins qu’il n’ait été jugé croyant ou hérétique par l’évêque du lieu, ou par une personne ecclésiastique qui en a le pouvoir.
9. Qu’on puisse chercher ou prendre des hérétiques dans la terre d’autrui : nous ordonnons que n’importe qui puisse rechercher ou prendre des hérétiques dans la terre d’autrui, et que les bailes du lieu soient tenus de lui donner aide et bienveillance, en sorte que le baile du roi puisse agir ainsi dans la terre du comte de Toulouse et des autres, et inversement le comte de Toulouse et les autres dans la terre du roi.
10. Comment faire avec les hérétiques revenus spontanément à la vraie foi : nous ordonnons que les hérétiques vêtus qui auraient spontanément renoncé à l’hérésie et seraient revenus à la foi catholique en reconnaissant leur erreur ne restent pas dans le village où ils se trouvaient avant leur conversion si le village est suspect d’hérésie, mais qu’ils soient envoyés dans un village catholique qui ne soit pas connu pour être soupçonné d’hérésie. En détestation de leur ancienne erreur, qu’ils portent deux croix haut placées et bien visibles, d’une autre couleur que leur vêtement, l’une à droite, l’autre à gauche. Pour que ces croix ne servent pas d’excuse, qu’ils ne les portent pas sans avoir des lettres de l’évêque témoignant de leur réconciliation. En outre, qu’on ne leur confie pas des charges publiques, et qu’on ne les admette pas dans des affaires légales, sauf s’ils ont été intégralement rétablis par le pape ou le légat a latere, après avoir accompli la pénitence qui leur avait été ordonnée.
11. Comment faire avec les hérétiques convertis non pas spontanément mais sous l’effet de la peur ou pour une autre raison : que les hérétiques qui reviendraient à l’unité catholique par crainte de la mort ou pour tout autre raison, de toute manière pas spontanément, soient enfermés entre des murs par l’évêque [« mis au mur », in muro includantur] pour accomplir leur pénitence, de crainte qu’ils n’aient la possibilité de corrompre les autres. Que ceux qui tiennent leurs biens pourvoient à leur nourriture selon les dispositions du prélat, et s’ils n’ont pas de biens, que le prélat les nourrisse.
12. Du serment que tout catholique doit prêter : que tous les hommes et les femmes, les hommes à partir de 14 ans et les femmes à partir de 12 ans, abjurent toute hérésie, quel qu’en soit le nom, qui les dresse contre l’Église romaine sainte et catholique. Qu’ils jurent aussi de servir la foi catholique prêchée par l’Église romaine, et de poursuivre les hérétiques selon leurs moyens et de les dénoncer [manifestare] de bonne foi. Que les noms de tous les hommes et les femmes soient consignés dans toutes les paroisses, et que tous prêtent le susdit serment devant l’évêque ou devant des notables à qui on l’aura demandé [boni viri]. Que celui qui aura été absent et n’aura pas prêté le serment dans les quinze jours après son retour, chose qui pourra apparaître à l’examen de la liste de noms, soit tenu pour suspect d’hérésie. Que ce serment soit renouvelé tous les deux ans.
13. Que chacun se confesse et communie trois fois par an, et soit autrement tenu pour suspect d’hérésie : que les deux sexes, arrivés à l’âge de raison, confessent trois fois par an leurs péchés à leur prêtre [proprio sacerdoti], ou un autre au bon vouloir dudit prêtre, et fassent pénitence pleinement et selon leurs forces. Et que trois fois par an, à Noël, à Pâques et à la Pentecôte, ils reçoivent le sacrement de l’eucharistie en toute révérence : à moins que sous une cause raisonnable, ils s’abstiennent de participer sur le conseil de leur prêtre. Que les prêtres soient attentifs à vérifier si certains cherchent à se soustraire à la communion, à partir de l’examen des noms comme on l’a dit plus haut. En effet, celui qui s’abstient de communier est tenu pour suspect d’hérésie sauf si c’est sur le conseil de son prêtre.
14. Que les laïcs n’aient pas de livres de l’Écriture, sauf le psautier et l’office divin, et que ces livres ne soient pas en langue vulgaire : nous interdisons qu’il soit permis aux laïcs de posséder les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, sauf à qui veut avoir par dévotion le psautier, ou le bréviaire des offices divins, ou les heures de Sainte-Marie. Mais nous interdisons absolument qu’ils aient ces livres traduits en langue vulgaire.
15. Comment faire avec les malades réputés hérétiques ou soupçonnés d’hérésie : nous ordonnons que quiconque est réputé hérétique ou soupçonné d’hérésie ne puisse se servir d’un médecin. S’il arrive qu’un malade reçoive la sainte communion de la main du prêtre, que celui-ci fasse diligente garde jusqu’au jour de sa mort ou de sa guérison, afin qu’aucun hérétique ou suspect d’hérésie ne puisse avoir accès au malade. Parce que nous avons compris qu’il était souvent arrivé ainsi des choses néfastes et épouvantables.
16. Que les testaments se fassent devant le prêtre approprié ou un autre ecclésiastique : si quelqu’un veut faire son testament, qu’il le fasse sous le témoignage de son prêtre, ou d’une autre personne ecclésiastique s’il ne peut avoir son prêtre, auquel s’ajouteront des hommes de bonne opinion s’il le désire. Et que les testaments faits autrement soient sans valeur, à aucun moment.
17. Qu’aucune charge administrative ne soit confiée à des hérétiques ou réputés tels, et que personne ne les retienne dans son entourage [familia] ou son conseil [consilio] : nous interdisons à tout prélat, baron, chevalier ou seigneur foncier de confier à des hérétiques ou leurs croyants des bailliages ou autre charge concernant leurs terres ; et d’en retenir ou en avoir dans son entourage ou son conseil.
18. De qui est tenu pour diffamé : on doit tenir pour diffamés [diffamati] ceux dont la rumeur publique [publica fama] se plaint ou dont la diffamation s’est légalement constituée devant l’évêque du lieu auprès d’hommes bons et importants.
19. Des libertés de l’Église : nous prescrivons de garder intégralement tous les privilèges et libertés des églises et des maisons religieuses (il faut payer les dîmes, les prémices, etc…)
20. Que les clercs ne payent pas la taille : que les clercs ne payent pas la taille pour leurs biens héréditaires, même s’ils leur reviennent par succession, à moins qu’ils soient marchands ou mariés […].
21. Qu’ils soient exemptés des péages et qu’on n’en fasse pas de nouveaux : que les clercs, les religieux et les chevaliers, sauf s’ils sont des marchands, soient exemptés des péages […].
22. Que ceux qui perçoivent des péages protègent les routes :
23. Que les laïcs n’exigent rien des ecclésiastiques sauf si ceux-ci tiennent d’eux des possessions :
24. Quoi faire de celui qui s’empare d’un clerc :
25. Que tous viennent à l’église le dimanche et les jours de fête et des peines contre ceux qui ne le font pas :
26. Quels sont les jours de fête :
27. Comment fêter les jours de fêtes, et ce qui doit être annoncé au peuple le dimanche :
28. Que tous à partir de 14 ans jurent de servir la paix : nous statuons et ordonnons que tous ceux qui sont âgés de plus de 14 ans jurent de servir la paix. Que celui qui, convoqué par le diocésain, par lettres ou par nonce, ne vient pas dans les 15 jours, y soit contraint par la censure ecclésiastique. Et que lui-même, et ses hommes s’il en a, se trouvent en dehors de la paix. Et quiconque est dans la paix n’est pas tenu de répondre de lui en quoi que ce soit. Ce serment de paix doit être renouvelé de trois ans en trois ans.
29. De celui qui enfreint la paix : que celui qui enfreint la paix et fait la guerre, s’il ne s’amende pas dans les 15 jours, soit excommunié et en dehors de la paix et que toute la terre fasse la guerre à sa terre […].
30. Ce qu’il faut faire de ses biens et de sa personne s’il est pris :
31. De celui qui, ayant enfreint la paix, ne veut pas se présenter :
32. De celui qui fait du butin :
33. De celui qui achète une part de butin :
34. Des vassaux ou des hommes qui s’insurgent contre leur seigneur : si des hommes vassaux se rebellent ou tentent de s’insurger contre les seigneurs : que la paix soutienne les seigneurs contre eux.
35. Qu’on ne doit pas avoir de familiarité ou faire une trêve avec des faidits :
36. Que personne n’accueille des voleurs et des routiers :
37. Qu’il soit fait un serment contre les ennemis de la foi et de la paix dont les noms sont donnés : nous ordonnons qu’au cas où quelqu’un fait la guerre, il soit de nouveau fait serment contre lui. Que celui qui ne veut pas soit réputé violateur de la paix. Qu’il soit fait expressément un serment contre les ennemis de la foi et de la paix, à savoir Guillaume seigneur de Peyrepertuse, Gausserand qui tient Puylaurens, Raimond de Mort, et qu’ils soient excommuniés, déshérités à perpétuité, et qu’ils ne puissent être absous par aucune sentence, sauf du siège apostolique et du légat a latere.
38. Qu’on ne fasse ni conjuration ni confrérie : nous interdisons que des barons, des châtelains, des chevaliers, des bourgeois des cités, et aussi des paysans, fassent des conjurations, des ligues, des confréries, ou tout autre obligation sous serment. S’ils en font, les barons sont passibles d’une amende de 100 livres de monnaie courante, les châtelains de 60 livres, les chevaliers de 40 livres, les bourgeois de 20 livres, et les paysans de 100 sous. Les conjurations ou ligues faites jusqu’à aujourd’hui nous les déclarons mauvaises et sans valeur, ordonnant que tous soient tenus de les abjurer.
39. Que nul n’endommage un castrum ou un village tenu de l’église ou du roi :
40. Que nul ne s’empare des biens d’autrui par la force, mais qu’il ait recours aux juges : nous ordonnons que personne ne s’empare par la force des biens d’un autre quelles que soient les circonstances, ou ne prenne en gage ni un vassal ni le bien d’un vassal pour un seigneur. Mais s’il croit qu’on lui doit quelque chose, qu’il le réclame à travers des juges. Que celui qui agisse contre ceci soit réputé violateur de la paix, et que son droit lui soit confisqué. S’il n’a pas le droit pour lui, qu’il restitue les biens engagés à leur valeur. Dans les deux cas, que le droit soit pour lui ou non, qu’il paye au seigneur une amende.
41. Qu’il ne soit construit aucun nouveau château, et qu’il ne soit réédifié aucun château détruit :
42. Que les femmes possédant des châteaux fortifiés n’épousent pas des ennemis de la foi et de la paix :
43. Que nul juge n’exige des parties en litige quoique ce soit sous aucun prétexte : aucun juge, à l’occasion de dépenses, ou bien sous prétexte d’une certaine coutume, ne peut exiger ou extorquer quelque chose des parties en litige pour rendre la justice. Mais il doit rendre justice à tous gratuitement, sans bienveillance, sans haine, et sans crainte.
44. Que la cour donne un avocat aux pauvres : si certains sont pauvres ou ne peuvent avoir d’avocats parce qu’ils sont pauvres, que la cour leur donne un avocat, si la cause le nécessite.
45. Que ces statuts soient exposés quatre fois par an aux paroissiens : nous ordonnons que ces statuts soient diligemment exposés aux paroissiens par les prêtres paroissiaux quatre fois par an, à savoir le dimanche le plus proche des quatre temps. »

Éd. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Venise, 1779, 23, col.193-204 ; trad. M. Zerner (Université de Nice).

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